Passer des nuits en mer

Pour passer la nuit il y a trois solutions.

La première est de se réfugier douillettement dans une marina ; là, il n’y a pas vraiment de différence avec ce qu’on fait pendant nos sorties de weekend, à part qu’on n’a pas à chercher son emplacement et qu’on n’a pas besoin de prévenir la Capitainerie.

Les deux options restantes sont, soit tracer la route jusqu’au bout de la nuit, soit mouiller un peu de chaine et de câblot dans une baie abritée :

  • 1. Naviguer de nuit

    Pour les longues navigations on s’est déjà entrainé avec une vigilance à tout instant lorsqu’on s’éloigne un peu des chenaux. En Manche par exemple on essaie de les suivre au plus près pour éviter de rencontrer trop de casiers, mais on croise alors un chalutier qui fait des ronds dans l’eau. Notre équipement personnel nous permet de lutter contre le froid et l’humidité (voir Oublier l'eau et rester au chaud) mais on doit soit habituer nos yeux à l’obscurité, soit éclairer notre route d’une manière ou d’une autre.

    Navigation de nuitL’avantage des nuits d’été, c'est qu’on y voit relativement bien et pendant une longue période. Il reste quand même 3-4 heures dans le noir (à moins que la lune décide de se montrer). Plus notre route montera au Nord et moins l’obscurité totale sera longue (CQFD). En attendant il faudra composer.

    En plus des éléments qui font partie de la panoplie de base du plaisancier (anémomètre, sondeur, et loch) et qu’on utilise bien entendu de jour comme de nuit, on s’est équipés de plusieurs instruments qui nous permettent d’y « voir » et de savoir où on est et où on va :

    1. Une torche électrique rechargeable sur le 12 V de longue portée. On l’allume de temps en temps vers l’avant du bateau pour voir si la route est dégagée. On l'a utilisée pour sortir de l'Aber Vrac'h en pleine nuit pour être sûr de bien éviter les bateaux aux mouillage et toutes les bouées non éclairées. Le seul problème qu'on a pu constaté c'est que le faisceau est étroit ce qui ne nous donne pas une vision globale.
    2. La cartographie électronique (à jour) reprise sur notre nouveau traceur. A cela j’ajoute un abonnement annuel chez Navionics pour avoir ça sur mon téléphone.
    3. Un radar couplé au traceur pour voir toutes les sortes d’unité plus ou moins grosses et éventuellement repérer les OFNI (comme des containers en cavale qui restent muets aux appels VHF).
    4. Enfin et non des moindres, un système AIS envoi/réception pour voir et être vu des autres bateaux même par temps couvert et brumeux. Ça devrait faire partie des instruments obligatoires pour la sécurité de tous, même pour la plaisance. Non seulement ça il nous permet de voir précisément sur la carte les routes et vitesses de tous ceux qui en sont équipés, mais aussi de nous présenter sur leurs écrans ce qui facilite grandement la communication à la VHF au besoin. On l’utilise aussi beaucoup de jour pour virer de bord au bon moment ou laisser passer les gros dans une zone particulièrement encombrée. Rappelez-vous que notre bassin de jeu est entre Dunkerque et Calais où nos petits voiliers ne font pas le poids.

    Voilà le schéma de principe de notre installation  :

         En tête de mât :
    • Anémomètre
    • Antenne GPS  

     En avant du mât (entre 1ère et 2nde barre de flèche) :

    • Radar Quantum

    Sur la console de barre :

    • Axiom 9+ (cartographie Navionics)
    • Contrôleur du pilote
    • Répétiteur Anémomètre
     Au-dessus de la table à carte :
    • Répétiteur du sondeur + loch 

    Cette année on a investi dans un autre équipement :

    • La sortie de l'Aber Wrac'h de nuit a été un peu délicat : aucune bouée n'est éclairée et quelques bateaux sont ancrés au abords du chenal... Pour la saison 2022 on s'est équipé pour moins de 250 € d'une paire de jumelles numériques infra-rouge (utilisée pour la chasse) avec une portée annoncée de 700 m. Les essais de nuit à la maison sont très corrects. A voir en navigation...
  • 2. La nuit au mouillage

    Notre Oceanis 34 a, de série, une ancre plate Britany 16 kg avec 28 mètres de chaine (pourquoi 28, je ne saurais pas vous dire) et 40 de câblot. Bref 68 mètres de longueur totale. On n’est pas en Méditerranée, ce qui veut dire que le marnage est une donnée très importante.

    Premier paramètre, l’ancre

    ancre spadeElle doit pouvoir s’ancrer dans tous les sols (ou presque). La Britany est une bonne ancre sur la plage mais j’ai préféré passer à une charrue pour une meilleure accroche, et, quitte à la remplacer, on a pris une Spade comme ancre principale. C’est un gros investissement, mais c’est a priori ce qui se fait de mieux tant sur la polyvalence que sur sa tenue exceptionnelle. Pour l'avoir testée on pense que c'est en effe la meilleure : mouillage établi dès le premier essai et jamais décroché. Elle a juste dérapé légèrement dans la rivière de Penzé où les fonds sont extrèmement vaseux !

    Quant à la Britany, elle est restée dans le coffre avec 5 m de chaine au cas où on aurait besoin de l'accorcher à l'ancre principale (ou pour un second mouillage.

     On a investi dans une bouée d’ancre automatique Grippy (avec les mini-panneaux solaires). Elle est parfaite pour repérer l'ancre et permet d'estimer la longueur de chaîne mouillée (même si on a un compteur de chaîne lié au guindeau). Le problème c'est quand il n'y a pas de vent et que les mouvement du bateau suivent les courants de marée. Il arrive alors que le bateau rejoigne la bouée d'ancre à l'étale et que son câble s'enroule autour de la chaîne. A ce moment elle reste coincée contre la coque et tape régulièrement dessus - ça devient compliqué de dormir et de démêler tout ça en pleine nuit... Bref, pas de bouée d'ancre sans vent.

    Second paramètre, la longueur de la ligne de mouillage

    On entend 3 fois la hauteur d’eau, 5 fois la longueur du bateau, etc. Ce n’est pas un secret, plus on a de chaine couchée sur le sable et plus le mouillage aura de la tenue. On peut voir ça sous un autre angle (c’est le cas de le dire) car plus l’angle entre la chaîne près de l’ancre et le sable sera important et plus on aura de chance de déraper ou pire.

    Allez, petit calcul : sachant que :

    1. le marnage breton est de 6 à 10 mètres,
    2. qu’il doit y avoir 2,5 mètres au-dessus de l’ancre pour pouvoir la récupérer si c’est marée basse,
    3. que le marnage de notre crique idéale est de 8 mètres,
    4. que la météo reste clémente (force de retenue de 70% suffisante),
    5. et qu’enfin le vent et/ou le courant ne nous pousse pas vers la côte (échouage assuré)

    Quelle est alors la longueur totale de mouillage que je dois dérouler pour passer une nuit tranquille ?

    ....vous donnez votre langue au chat ? Alors voilà la réponse

    C'est un peu empirique mais pour notre propre usage, j'ai créé une table de correspondance entre la tenue souhaitée et la hauteur du marnage (entre 5 et 10 mètres). N'hésitez pas à l'utiliser et l'adapter si vous trouvez ça utile.

    Pour pouvoir aborder la grande majorité des mouillages sans risquer de déraper on s’est équipé de 50 mètres de chaîne et 50 mètres de câblot. Pendant nos mouillages de 2021 on a mouillé 30 à 40 mètres de chaîne, bien suffisant aux abords des plages par marées de faible coef et par temps calme.